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Et si on jouait au docteur?

Il y quelques années déjà, un après-midi de pluie a Londres (plus vague tu meurs), j’étais tombée sur une émission ou des malabars faisaient pleurer un troupeau d’individus obeses. L’ « action » se déroulait dans un château. Les vedettes: des pèse-personne dignes d’un cargo. L’objectif officiel: remettre en forme des individus pour lesquels l’avenir était plus qu’incertain en raison de leur obésité morbide. Motif officieux: faire suer, vomir, saigner des « baleines ». Amateurs de sadomasochisme bonjour. L’émission de téléréalité avait de nouveau frappe la ou ca fait mal et fonce dans le lard de ces êtres de bonne volonte (moyennant une juteuse compensation pécuniaire finale évidemment) a coup d’haltères et de breuvages slim fast.

Petit « fast forward ». Voici maintenant trois semaines que je séjourne en Australie. Depuis quelques jours, les baleines refont les gros titres, et je ne fais pas uniquement référence a celles qui se font épingler quotidiennement par des bateaux de pèche japonais et courser par les vedettes commandos de Greenpeace, mais bien des héros de la série phare de la Ten, objet d’un véritable matraquage médiatique: spots larmoyants a intervalles réguliers, affiches Decaux maroufles a tous les coins de rue, et participation des protagonistes (des entraineurs notamment) a moultes campagnes de publicité pour produits alimentaires. Cela fait presque une semaine que la nouvelle saison du Biggest Loser (Le plus gros perdant) a enfin débuté et même si certaines surprises, promises dans les teaser, sont effectivement de taille, ca reste un peu comme une Star’Ac, avec le bonus non négligeable que les seuls vocalises dont on gratifie le spectateur sont des gémissements, et des grognements. Ce n’est donc pas, a priori, dans la fameuse « White House » (et oui, même la présidence américaine est durement frappée par la crise immobilière…) que Mariah fera sont ultime comeback de la décennie…quoique.

Petite parenthèse. Il est intéressant de noter cette constante volonté de faire dérouler les « expériences » sociales et physiques de la téléréalité dans des « châteaux ». Les innombrables « Bachelor(ette) », « Beauty and the Geek », « Star/Fame Academy », etc. Plusieurs hypothèses sont à retenir il me semble. Phrase bateau et récurrente s’il en fut: ces grands domaines « font rêver ». Activité intense, sentiments exacerbes, les candidats se retrouvent dans un lieu clos et isole, on pourrait même le qualifier d’utopie (qui signifie étymologiquement « lieu qui n’existe pas ») propice, tel une expérience in vitro, a la concentration et au contrôle maximal des facteurs. Le montage aide aussi bien évidemment. Je dirais également que la prétendue élégance des lieux facilite la sublimation et rend « digne » des comportements et scenarios pour le moins douteux par moments en tirant sur la corde affective type « Disney » du spectateur. D’autre part, l’aspect u-topique crée une distance permettant de ménager les susceptibilités du public, tout en mettant le jeu a l’abri des règles de l’ordre public dans une sorte d’Etat bananier.

Dans la liste des programmes qui jouent sur le topos du conte de fée, citons l’émission choc Extreme Makeover de la chaine américaine ABC. Si vous avez déjà eu le bonheur de visionner la série « Nip/Tuck » vous ne vous sentirez pas trop dépaysés. En effet, vous devriez pouvoir reconnaitre bon nombre de procédures. En amont nous trouvons un citoyen américain lambda qui hélas, se trouve moche certes, mais qui a de surcroit des circonstances atténuantes, une « histoire »: enfance malheureuse, carrière ratée, maladie, conjoint partie/ mort a la guerre, fausses couches, poisson rouge mythomane, myopie…tout pour faire pleurer la ménagère de plus et de moins de cinquante ans et occuper le mari et son six-pack (de bières). En aval, après une arcade nasale redessinée, le menton rééquilibré, les oreilles recollées, les paupières rehaussées, les pommettes sculptées, lèvres repulpees, le ventre aspire, le sourire re-émaillé, la vue corrigée, les cheveux et les seins implantes, le tout tonifie par un entraineur potelé, nous nous retrouvons en plein John Woo (pour ceux qui ont vu Volte-Face). Je ne vous dis pas la tête des bambins lorsque leur maitresse boulotte et baba cool a la tignasse digne d’un balai brosse de cinquième catégorie revient en miss t-shirt mouille 2008. Et comment manquer le moment ou les deux tourtereaux se découvrent devant l’autel, avec monsieur le cure et devant un parterre d’amis envieux après leur transformations respectives.

Extreme Makeover (qui existe aussi dans une version spéciale pour les maisons), arme de sensationnalisme et de bons sentiments cherche à montrer que le bistouri peut aussi réparer les blessures de l’âme. Dans un autre genre, la série documentaire anglaise Extraordinary People: New Face, New Life montre les difficultés subies par des individus nés avec des difformités physiques. Le premier épisode de la série s’est concentrée sur un nouveau ne, un enfant et une jeune femme atteinte du syndrome d’Apert, une maladie génétique rare (les chiffres diffèrent selon les sources) qui se manifeste comme un « ensemble de malformations touchant le squelette, associant essentiellement une malformation du crâne, résultat d’une soudure précoce des sutures crâniennes (sagittale et coronale) un développement très important de la partie occipitale du crâne (arrière) et un aplatissement de la tête sur les côtés. » Les doigts ou orteils peuvent être plus ou moins soudes, etc. Bref. Ici, pas de pathos ni de glamour, juste des récits, des témoignages: des parents qui ont honte, qui sont en colère, ou au contraire qui relèvent le défi, des malades courageux sans être ostensiblement élevés au statut de héros Colgate. Le cas qui m’a interpelé ce soir la était celui d’un petit garçon qui allait subir une intense opération de reconstruction faciale, non pas parce qu’elle était réellement nécessaire, mais parce que sa maman (une expatriée américaine) craignait que ses débuts au jardin d’enfants soient douloureux en raison de son physique, elle même ayant été traumatisée par son appareil dentaire et ses crises d’acné. L’opération se déroule a New York, et est une totale réussite, au moins du point de vue médical, car a l’issue de l’intervention, c’est le drame: la mère ne reconnait plus son fils…et cela même plusieurs mois plus tard. Elle à l’impression que l’identité de son fils a été usurpe par un étranger. Quel tournure ironique: subir une telle transformation pour mieux s’insérer dans la société pour finir rejeté par sa propre mère.

Apres avoir ricané sur le dos d’Andrew qui n’arrive a faire qu’une pompe par jour, s’être émerveillé des nouvelles jambes de gazelles qu’on a greffe a Katie-Sue et avoir pleure en regardant les radios du jeune Ian…il est maintenant l’heure de mourir. C’est du moins ce que projettent pour vous les émissions You are what you eat, ou une dieticienne tente de transformer un carnivore notoire en ami des légumes a coup de hamburger aux pois chiches et clafoutis de betteraves, ainsi que l’étrangement glauque Turn back your body clock ou une super médecin-chirurgien annonce a une jeune femme de vingt ans qu’il ne lui reste plus que 10 ans a vivre et qu’elle est d’ores et déjà infertile. Bon apetit. Je crois que le but est de donner l’impression au téléspectateur qu’il doit et peut se reprendre en main. Un service d’intérêt général en quelque sorte…Mouais…

Vous avez encore soif d’hémoglobine et de perfusions et que vous n’êtes pas encore devenus complètement hypocondriaques? Prenez donc un cachet de Medical Emergencies avec un verre d’eau…si les symptômes persistent, complétez avec une séance d’inhalation de trente minutes de Nurses.

Il se fait tard et si comme moi votre tension est partie escalader les sommets de l’Himalaya pour échapper au scalpel, éteignez le poste, préparez une petite verveine et empressez vous de compter des moutons…ca détend! C’est doux un mouton…c’est mignon…*baille*…mais c’est quand même 200 calories par portion de 100g…reprenons avec des dindes…

Hehe…

Allez les enfants, sur ce… rendez-vous en salle d’autopsie dimanche! Qui devait apporter les crêpes et le Nutella?