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J’ai acheté un magazine féminin.

J’ai acheté un magazine féminin. Une opération que je n’avais pas effectuée depuis environ deux ans. Je me suis dit que ça changerait de la sempiternelle publication musicale achetée pour la compil de l’été et pour me donner bonne conscience.

 Je suis repartie avec 100 pages de pub et 100 pages de conseils qui ne me servent à rien, n’ayant ni chien, ni mec. Pourtant dans le doute, tout y passe : le luxe, la fripe, les maquées, les amazones, les superficielles, les ‘intellos’. Sur un malentendu, ne sait-on jamais ?

 Et pourtant, rien à faire ! Impossible d’absorber ne serait-ce qu’une page du pavé.

Mais, voyez-vous, je crois que mon anorexie éditoriale est symptomatique d’un plus grand mal. Oui, c’est un mal du siècle. Je ne comprends rien. Je m’étais promise d’éviter le coup de gueule adolescent, mais il faut que ça sorte : j’en ai marre du mot « geek ». Entre autres. Je n’en peux plus. Il est partout, accompagné d’une photo lomo d’un couple heureux en train de Tweeter, dans un champ de blé, avec des papillons dans leurs cheveux abondants et soyeux.

Maintenant, il faut être un/e geek.  Des montures épaisses et se balader dans un tailleur tout droit sortie de « Ma sorcière bien aimée »…mais être une salope qui s’assume et s’intéresse à Wikileaks.

Juste quand je pensais que les Wayfarers  allaient retourner dans leurs étuis… Eh bien non …Comme les années soixante. On continuera à revivre cette décennie –dénuée de tout sens pour les hippies modernes – à porter ce fardeau peace and love comme une coquille vide…

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Etre en état d’éveil constant, parce que l’info ne s’arrête jamais, parce que les machines ne s’arrêtent jamais.  Une course contre la montre perpétuelle. En concurrence pour le dernier cri, qui ressemble à force  à un hurlement venu d’outre-tombe. Un petit conseil : commencez dores et déjà à exhumez vos grands-parents. Vous trouverez entremêlé à leurs carcasses quelques trésors vintage du plus bel effet.

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Je ne comprends rien. Je ne comprends rien.

Etre marginal, c’est marginal, jusqu’à ce tu rentres dans l’establishment, et là ça devient cool. Cool donc, d’un point de vue de la mode. Rien de nouveau…

Je ne sais pas à quel moment dans l’histoire, mais je suis quasiment sure que l’ordre mondial a glissé vers l’hyper-modisation. Peut-être lorsque les principaux pays du Sud s’y sont mis aussi…je ne sais pas. Mais quelque chose s’est passé. L’hyper-cynisme, la méfiance semblent s’être dissipés sous prétexte que rien ne peut nous être caché puisque Twitter existe et que tout le monde est devenu un vengeur masqué derrière son avatar et son smartphone. On peut donc sortir du grenier et s’offrir au monde. Et pour cela, il faut être présentable. L’esthétique, ça rend crédible. Mais un sens du bordélisme rétro c’est bien aussi. Le vintage c’est in. Le moche c’est in. Le kitsch c’est le summum. Et le beau aussi. D’ailleurs, si tu es moche et tu portes du beau ou beau et tu t’habilles en moche…

La révolution, de nos jours, passe par l’esthétisme. Et sur le principe, c’est une –pardonnez le jugement de valeur complètement gratuit – bonne chose. Chacun crée sa vision du monde, invente, partage…mais j’ai l’impression qu’avec cette évolution, on s’éloigne de plus en plus du concret. On s’avatarise. « Ton profil est chouette, c’est juste toi que je ne peux pas saquer… »

Quand je me promène, je m’étonne souvent de la dégaine des gens. Parce que voilà la réalité : j’ai plus de chance d’être confronté au mode, aux problèmes, à l’autre, d’être choquée dans la rue…plutôt que derrière l’écran où je trie ma vie, ou dans les pages d’un magazine qui trie à ma place.

Oh et puis je n’en sais rien après tout.

Je ne comprends rien.