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Live Report : Fnac Indétendances 2010

 

Sur scène, des bribes de chansons, bouts d’accords, quelques miettes musicales pour alimenter ce public nombreux et déjà divisé en deux écoles : il y a ceux qui, devant, s’agitent autour des crash-barrières, puis les autres, qui prennent au mot le concept de Paris Plage, ou devrais-je dire «parvis plage».

Quizz

Vers 17h20, Olivier Bas, le programmateur, propose un jeu, un quizz qui prend hélas rapidement des allures d’interro surprise : sortez vos cahiers et dites-moi en quelle année est mort Jimi Hendrix.
« On sent bien qu’on est dans une soirée rock ». Les extraits des Beatles, des Stooges et des Clash en sont autant d’indices subtils.
Parmi le groupe compact qui participe au jeu, quelques détenteurs de gadgets 3G cherchent la ville de résidence de Kraftwerk sur internet. Une dizaine de participants repartiront avec des compilations. Pendant ce temps, les joyeux habitués du festival, qui en est à sa septième édition, dansent au son de leur propre discothèque parfaite.
Il ne fait ni beau, ni moche — une météo maussade qui n’est guère propice au déclenchement des passions. Les prestations de la soirée réussiront-elles à dégager les nuages ou à faire rugir les cieux ? Suspense…

Coming Soon et l’anti- folk

La cloche retentit : les Coming Soon font leur entrée sur les coups de 18 heures, avec en tête de gondole, un immense chapeau de cowboy dressé sur la tête du géant Howard Hughes. Les noms des membres du groupe, égrainés au fil du set, sont pittoresques, dignes d’un Tarantino avec un soupçon de spaghetti.
Coming Soon est un groupe mouvant, aux multiples facettes. Les compositions, folk et punk, sont intéressantes, mais la proposition d’ensemble paraît diluée sur le plateau monumental. Les regards des musiciens restent fermés : on les devine concentrés, pris dans une transe, bercés qu’on est par leur palette de voix aux timbres et colorations variées.
Le set qui en ressort reste un peu raide, monocorde, et monotone, desservi par le manque d’intimité ou de nature. En plein milieu, entre la scène et la régie, une femme assise en tailleur est plongée dans une grille de sudoku. Comme si pour mieux apprécier ce groupe, le repli était préférable au mouvement de foule.

Gush et l’amour à la norvégienne

Trois fillettes tournoient devant moi, telles les 3 Muses rose bonbon de la musique.
Les sapeurs pompiers qui veillent admirent le spectacle donné par le quatuor quelque peu chevelu que constitue Gush, apprenant au passage comment déclarer leur flamme à une belle Norvégienne.
« On est tous venus pour danser et taper dans les mains ». Une chorégraphie endiablée improvisée par un trio de jeunes hommes et plus loin, à quelques mètres de là, une dance-off inter-générationnelle indique que l’appel a été bel et bien entendu par l’assemblée.
Gush, c’est un jaillissement d’harmonies, de funk, de soul, de beats organiques. Sur scène, à l’instar de ce martèlement frénétique de tambour, qui percute comme un feu d’artifice tiré à partir d’un pistolet automatique, c’est l’explosion maitrisée.
Gush, ça veut dire jaillir, mais aussi s’extasier, et difficile de ne pas être enthousiaste face à ces garçons qui savent occuper l’espace, jouer, chanter et communiquer leur plaisir.

Tetris géant pour les Plasticines

À présent, il faut faire un-deux-trois soleil pour rejoindre côté cour depuis le côté jardin, porter un casque de protection contre les téléobjectifs brandis par à peu près tout le monde, contourner les vendeurs de bière à la sauvette et tenter de ne pas piétiner les irréductibles pique-niqueurs.
Alors que les deux premiers groupes avaient dévoilé leurs compositions et personnalités avec subtilité, et nous avaient appris à savourer les mélanges et à nous méfier des faux semblants, les Plasticines ne veulent pas qu’on se trompe de registre. Elles, « c’est le rock ».
Un rock qu’on ramasse sur un chemin de campagne, qu’on utilise pour assommer un passant innocent avant de le laisser, groggy et mystifié, reprendre ses esprits dans un buisson vénéneux. Assurément.
Les yeux tentent de déterminer à laquelle sera décernée la palme de beauté, tandis que les tympans luttent pour démêler la cacophonie musicale générée par les quatre jeunes prétendantes — dont une voix criarde, mais, paradoxalement, mutée sous un vrombissement monotone de guitare.
Une reprise calamiteuse de « I Love Rock ‘n’ Roll » des Arrows et leur récent tube « Barcelona » plus tard, des cris me parviennent alors que je tente, dans un élan de survie, de loger deux bonbons dans mon canal auditif : la lead est dans la fosse. Rock’n’ roll.

Eiffel

Olivier Bas est manifestement un grand fan, ainsi que le sont ceux qui viennent combler les places laissées par les aficionados des Plasticines.
La journée à rallonge estivale s’est enfin décidée à prendre congé, nous laissant face au groupe bordelais, Eiffel — tout en jeux de lumière, digne du spectacle offert par une tour du même nom dans le 7e arrondissement parisien.
Eiffel, c’est du rock, bileux, en français dans le texte ; le phrasé urgent, furieux du chanteur Romain. C’est également une formation généreuse, allant jusqu’à gratifier le public de duels de guitaristes et de projections de crachats impressionnants.
L’espace de quelques minutes, la scène se transforme en tribune. La parole est donnée à une porte-parole de l’association qui prend la défense des 3000 sans-papiers du 18e arrondissement, et à un sans-papier qui, comme pour être entendu aux six coins de l’Hexagone, martèle, avec l’approbation générale du public, que « les Français aiment l’immigration ».
Un bon coup musical dans la fourmilière plus tard et la foule se disperse, mollement. On n’est que vendredi soir après tout. Le weekend ne fait que commencer.

Crédit photo: Nicolas Brunet

Article à retrouver dans son habitat naturel sur Discordance.